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Gaël Faye met le charivari avec son pili pili

Pili Pili sur un croissant au beurre évoque un étrange alliage gustatif. Loin de stimuler les papilles, l’album de Gaël Faye se délecte avec l’ouïe. Si sucré-salé est un mélange d’usage, l’artiste propose une nuance atypique à la fois douce et épicée.

cover-alb-Gael-FAYE-MDPeu connu des grands médias, Gaël Faye a su conquérir son public de plus en plus fidèle et nombreux. Sorti le 4 février 2013 dans les bacs, son premier album Pili Pili sur un croissant au beurre reste encore un succès en 2016. Voici donc une compilation de 15 titres dont le mélange agrémente des sons d’influence jazz et soul à un rap aux paroles percutantes. Pili pili, fait d’ailleurs une référence au piment ardent africain; croissant au beurre, évoque une volupté à la française. Retour sur l’événement et l’album qui avaient révélé l’artiste à la plume acerbe.

Milk Coffee and Sugar, « la maison mère »

Lundi 4 février 2013, 18h : rendez-vous au Chiquito dans le 20ème arrondissement de Paris pour un rassemblement inédit. Gaël Faye sort son premier album solo, le désolidarisant du groupe de rap Milk Coffee and Sugar qui l’avait révélé, ce qu’il appelle aussi la « maison mère ». Album solo ne veut pas dire seul pour autant. Le premier à soutenir Gaël Faye, c’est Suga (alias Edgar Sekloka) son acolyte, sucrant leur duo caféiné depuis 2008.

Au sein de cette ambiance feutrée, il règne un esprit familial. Les proches et amis de l’artiste sont d’ailleurs présents, ainsi que les collaborateurs de la dessinatrice de la pochette du disque aux réalisateurs des clips vidéo. Tous trinquent à la santé de l’artiste en attendant sa venue.

19h15 : Gaël Faye foule le sol du Chiquito. Accueilli sous un flot d’applaudissements approbateurs et autres « pili pili » de bienvenue scandés avec enthousiasme, son retard se fait oublier. Ne reste que cette attitude humble. Gaël Faye sourit avec gêne mais semble fier et serein. C’est y est, c’est fait. La machine s’enclenche : premier album en vente, première séance de dédicace, premier contact avec un public sous sa propre identité et non plus sous la coupe de Milk Coffee and Sugar. Il y a quelques années, avec Suga, ils étaient partis de rien. Ces artistes indépendants ont d’abord évolué seuls, de la production du disque, aux packaging en passant par les concerts. Aujourd’hui, Motown, l’une des filiales d’Universal Music Group permet à Gaël Faye de rayonner face à un large public. Son principal collaborateur n’est autre que Guillaume Poncelet, également réalisateur des derniers albums de Ben L’Oncle Soul.

Il reste une certitude : si sa notoriété grandit, sa musique ne sera pas commerciale. Impossible de rendre son « stylo docile ». Pili Pili c’est le résultat de 10 ans de travail sincère et acharné, avec la collaboration de 28 musiciens et de nombreux voyages entre Paris et Bujumbura, car il faut savoir que la moitié des enregistrements de l’album ont eu lieu au Burundi, la ville d’origine de Gaël Faye. Cet album représente un voyage au sens propre et figuré. Chaque titre raconte donc le chapitre d’une histoire. Pili pili sur un croissant au beurre est un néologisme décrivant le métissage du chanteur. Un métissage tantôt difficile à vivre qu’il exprime dans Métis et dans A France. Fils d’un père d’un Français et d’une mère Rwandaise, il s’est longtemps senti marginalisé. Le titre de l’album Pili Pili sur un croissant au beurre est aussi le titre d’une chanson, où il raconte l’histoire touchante de la rencontre ses parents.

L’écriture comme un exutoire

Pili Pili sur un croissant au beurre porte justement son nom. Il donne l’effet d’un met dont on ne soupçonne pas le goût piquant avant de le croquer. Gaël Faye dénonce une société dont le système se « barre en cacahuète ». France et Afrique en prennent pour leur grade. A cœur ouvert, l’artiste emploie les termes justes pour crier sa douleur, sa tristesse et son rejet face à une société qu’il ne comprend pas. Mais aussi son amour pour un pays et une famille qu’il chérie. Il trouve dans l’écriture l’exutoire de ses peines. Sa plume saigne lorsqu’il parle du Rwanda, un pays dont le génocide a meurtri son enfance. Son credo ? « J’ai décidé que l’opprimé serait le sujet que je traiterai que je prêterai ma voix aux crève la faim et traîne savate. » Voyez là un message politique, critiquant le despotisme et l’arrivisme des dirigeants d’une Afrique opprimée. Ce « MC agrégé de flow, diplômé de style » laisse aussi entrevoir le rêveur qu’il est et son coeur d’artichaut est dans Qwerty et dans Isimbi, des titres exprimant un étrange optimisme flirtant avec ce triste pessimisme :  » parce qu’on meurt tous un jour je riposte par la vie « .

L’ambivalence de cet artisan de la gratte se ressent. Il surfe entre deux vagues et ne s’échoue guère. Tout l’art est là : employer verlan et argot pour les faire valser avec la langue de Molière en une prose parfaite. L’instrumentale qui rythme ses textes plein est variée : guitare sèche, tambourins africains, trompettes. Gaël Faye n’a pas fait les choses à moitié. S’il affiche à l’ambivalence de ses sentiments, il n’est en revanche jamais contradictoire. Son amour pour la vie et son pays est immense mais il éprouve un dédain incurable à ce que les hommes en ont fait, ces hommes d’ailleurs devenus « esclaves d’un paradis » fait d’argent et de gloire éphémères. Gaël Faye est un artiste affranchi. 

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